J’ai écrit un petit article dans Pour la Science sur les réseaux de tenseurs et le lien avec la suprématie quantique. J’ai essayé d’adopter un angle un peu différent en ne mentionnant la bataille sur les problèmes de suprématie pure qu’en incipit.

De mon point de vue, l’intérêt principal des réseaux de tenseurs comme des ordinateurs quantiques est de résoudre le problème à N corps quantique dans des cas difficiles. Je rappelle ainsi dans cet article principalement ce qu’est ce problème, et les stratégies utilisées pour le résoudre. La conclusion, qui rejoint par exemple l’avis de Garnett Chan que j’aurais dû citer, c’est que pour le problème à N corps, il n’est pas évident que les ordinateurs quantiques seront forcément la meilleure méthode pour les instances utiles. C’est possible, mais ça n’est pas évident, et les algorithmes classiques pourront résister plus longtemps pour les problèmes utiles que pour les problèmes de suprématie pure.

Évidemment, pour les rares applications classiques établies comme l’algorithme de Shor, l’avantage de l’ordinateur quantique est asymptotiquement clair. De ce point de vue, je ne suis pas du tout un sceptique de l’avantage quantique. Je trouverais fascinant pour l’humanité qu’une énorme machine factorise des gros nombres en utilisant les lois bizarres de la physique fondamentale.

Mais si l’avantage quantique est restreint à quelques problèmes de théorie des nombres (d’intérêt pratique à mon avis bien moindre que le problème à N corps), alors l’impact pour la société sera inférieur à ce que certains prévoient. Je pense que même si on travaille dans une équipe qui cherche ultimement à améliorer le hardware d’ordinateurs quantiques, ce qui est mon cas avec Quantic (joint venture Inria, ENS, Mines), on doit rester lucide sur ce point.

note I : au moins temporairement, l’article est lisible gratuitement sur la preview du magazine de septembre – mais n’hésitez pas à l’acheter pour soutenir le journal (ça ne change rien à ce que je touche pour la pige !)

note II : dans la courte notice biographique, l’article ne mentionne que l’institution qui paie généreusement mon salaire, et à laquelle j’enseigne : le Centre Automatique et Systèmes de Mines Paris – PSL. Mea culpa. Il aurait dû mentionner aussi l’institution qui m’héberge (ainsi que mon groupe) dans d’exceptionnelles conditions matérielles tout en me fournissant de brillants collègues : Inria Paris. À ces deux honorables institutions s’ajoute le laboratoire de physique de l’ENS-PSL, qui fait lui aussi partie de l’équipe projet Quantic, et en héberge la partie expérimentale. J’y suis aussi mécaniquement affilié. Le laboratoire de Physique de l’ENS-PSL étant une unité mixte de recherche avec le CNRS, il faut donc aussi le remercier. Si l’article vous déplaît, vous avez ainsi un large choix d’institutions auprès desquelles vous plaindre !